Iran : Bishâpur, Kerman, Bam, Yadz

 

Lundi 9 avril 2001 : Bishâpur et fin de séjour à Shiraz.

Lever à 7h30, petit déjeuner avec Medhi, que je retrouve à la salle de restaurant et départ à 8h30 pour Bishâpur, ville construite par Shâpur 1er, à partir de 266 après JC. Lorsque j’avais indiqué la veille à Medhi que je souhaitais faire cette excursion, il avait un peu essayé de m’en décourager, me vantant les mérites de Shiraz : c’est sûr, cela représente tout de même presque 300 kilomètres aller / retour, et une grande partie est une route de montagne, avec des camions qui ralentissent énormément la progression. Je ne regrette vraiment pas d’avoir insisté car le site et le voyage m’ont beaucoup plu. Les paysages de montagne sont très beaux. Sur la route, nous rencontrons assez souvent des nomades avec des troupeaux de moutons, le temps est magnifique. C’est durant ce voyage aussi que je commence à bien discuter avec Medhi et à établir avec lui un excellent contact amical. C’est sur ce parcours qu’il me sort de « derrière les fagots » une cassette de pots pourris français des années 60 70 (Bécaud, Brel, Aznavour…), chantés en version originale ou revisités en anglais, allemand, russe… Nous ne devons pas être des millions à avoir chanté « Aline, pour que tu reviennes », en traversant la province du Fârs ! 

Le site de Bishâpur

Nous arrivons sur le site vers 10h30, il n’y a presque personne. Entrée du site : 20.000 rials (encore…). La ville royale et le complexe palatin sont assez détruits mais les ruines sont encore imposantes et surtout plantées dans une belle campagne, près d’une rivière et d’une oasis. Après une petite heure de baguenaude, je retrouve Medhi qui me conduit à quelques centaines de mètres, au pied de la colline qui surplombe le site, pour découvrir les différents bas reliefs qui font la renommée du site.
Ils sont assez proches de ceux de Naqsh-e Rostam, mettant en relief les rois sassanides et leurs victoires sur les romains. Précision, il faut repayer 15.000 rials pour la visite… Un guide m’accompagne, enfin, un iranien ne parlant que quelques mots d’anglais. J’aurais préférer être seul mais je le suis tout de même, marquant par mon comportement une certaine distance. Bêtement, à la fin de la visite, je lui tend un billet, qu’il refuse en souriant… On a parfois des réactions stupides de touriste conditionné ; il m’accompagnait tout simplement pour le plaisir.

Les bas-reliefs de Bishâpur

Vers midi, nous reprenons la route, faisant un stop dans le village tout proche pour acheter quelques gâteaux et fruits pour le repas. Le retour est laborieux, à cause des camions qui peinent dans l’ascension de la montagne. Je frémis plus d’une fois lorsque je vois un bus qui nous dépasse, avec deux camions devant et un virage à 200 mètres…(ils sont fous, ces iraniens…). Nous retrouvons les faubourgs de Shiraz vers 14h30. 

Un peu de repos à l’hôtel (de toute manière, tout est fermé), et je repars en ville à 16h00, après avoir passé un petit coup de fil en France depuis la réception. Passage par la case poste, pour mes cartes postales, qui, pour une fois, sont terminées assez rapidement (d’habitude, je les poste à l’aéroport, le dernier jour, si je n’oublie pas et les ramène avec moi en France !). 500 rials le timbre, moins de 0.10 euro, si elles arrivent en France à ce prix… (Elles y arriverons, en 3 semaines). L’achat des timbres auprès du postier fut un moment épique… Vous rendez vous compte, 12 timbres à 400 rials et 12 à 100 rials, il faut un certain temps pour s’en occuper. Trouver la planche, sélectionner du regard la bande à découper, plier, replier, déchirer soigneusement les crans, souffler, ranger la planche, trouver l’autre planche, etc… la poste iranienne n’applique pas encore les méthodes manageriales et productivistes de la poste française ! 

Donc, un certain temps plus tard, je suis sur l’avenue Khan e Zand, pour y faire du change. Je ne répond pas aux sirènes des changeurs au noir qui m’interpellent et préfère une boutique officielle. Beaucoup de monde attend, je me vois donc ici pour un moment mais, pour une raison inconnue, on me fait passer devant tout le monde, pour un taux de change tout à fait normal : peut être avaient-ils besoin de dollars pour leurs transactions – ils n’ont pas fait une grosse affaire avec moi. Je me ballade ensuite dans l’avenue et repars comme la veille vers le sud de la ville pour y voir les dernières mosquées que je n’ai pas vues. D’abord, la nouvelle mosquée, que je ne visite pas, puis le mausolée de Shâh-e cherâgh, sans doute le monument religieux le plus intéressant de Shiraz. Reconnaissable par sa coupole bulbeuse, il est accessible à partir d’une grande cour. Beaucoup de monde ici, il s’agit d’un lieu de pèlerinage important pour les shi’ites, un religieux mort dans cette ville au 9ème siècle. Je m’assois d’abord dans la cour pour observer les gens. L’endroit sert un peu aussi de promenade et de lieu de repos ; on s’y assoit, on lit, on fume, on discute. Je décide ensuite de visiter le mausolée à proprement parler. 

Après le rituel dépôt des chaussures au vestiaire, je pénètre dans une sorte de boîte à bijoux étincelante, les parois et les plafonds du mausolée étant totalement recouverts de petits morceaux de miroir, c’est assez impressionnant. Les fidèles marquent beaucoup de ferveur, ici. D’abord, tous embrassent la porte du mausolée, puis se dirigent vers le tombeau, qui se trouve dans une sorte de grande cage en verre. Là aussi, on embrasse les parois, on glisse des billets de banque dans les interstices. 

Cette ferveur est cependant exprimée avec calme et discipline. Je me plais à observer tout ce rituel, me faisant tout de même petit, mais l’ambiance est très détendue et me regarde avec le sourire. Je reste finalement assez longtemps et ne décide de partir que lorsque certaines considérations olfactives commencent à prendre le dessus sur les élévations spirituelles du moment (tant de pieds déchaussés dans ce lieu assez confiné …vous avez compris). J’oublie de préciser que, bien sûr, il y a séparation des hommes et des femmes, avec deux entrées différentes. Je me rend ensuite à un autre mausolée, tout proche et accessible par la même cour, celui de Sayyed Mir Muhammed. Plus petit, moins fréquenté, il est cependant tout aussi décoré avec ces mosaïques de miroirs.

Je rentre à l’hôtel par le bazar et retrouve Medhi à 19h00. Nous avions décidé de manger ensemble ce soir ; il m’emmène d’abord à la sortie de la ville, dans un jardin avec un point de vue sur la cité et les montagnes environnantes. Le point de vue est si chouette qu’on a décidé d’y construire un bâtiment immense et absolument hideux, encore en cours de construction en avril 2001 (un hôtel, paraît-il), qui gâche réellement le paysage. Nous allons en suite en ville dans un petit restaurant sympa que Medhi connaît, où nous mangeons très bien. Retour à l’hôtel vers 21h00, un peu de TV (les programmes sont vraiment peu enthousiasmants) et de lecture de mes guides, et dodo.

 

Mardi 10 avril 2001 : route pour Kerman.

Lever à 7h00, petit déjeuner et départ à 8h00 : une longue journée nous attend, plus de 600 kilomètres pour rejoindre la ville de Kerman, dans le sud est du pays. Sur tout le parcours, les paysages seront beaux. Dans l’ensemble assez désertiques, et souvent montagneux, avec parfois des lacs salés. Après trois heures de route, nous faisons un stop à la sortie d’un village appelé Estaban, afin de prendre un thé, dans une petite gargote. Tout à coup, le propriétaire interpelle Medhi en désignant la voiture. On peut voir une flaque d’eau  qui s’agrandit et ruisselle sous le moteur…Evidemment, je me rappelle que je suis un grand habitué des pannes et qu’il est normal que cela m’arrive au moins une fois en visitant l’Iran… 

Medhi ouvre le capot et scrute le radiateur. Il diagnostique rapidement la rupture d’un anneau de serrage du tuyau d’eau, panne à priori pas très grave sauf que cet anneau est placé dans un endroit très peu accessible. Après avoir déjà bataillé pendant une bonne demi-heure, il réussit à retirer l’anneau et faire une réparation de fortune avec un fil de fer . Hors de question de reprendre la route comme cela, nous retournons donc vers Estaban pour réparer. Ce ne sont pas les garages qui manquent à l’entrée du village, mais Medhi veut les éviter. Il m’explique que s’il fait faire la réparation, les mécanos vont déposer le moteur… Soit une journée, ou plus ( ?) de travail, et une facture énorme, tout cela pour un malheureux joint… je n’ai pas envie de coucher dans cet endroit perdu. Il achète donc lui même le joint et va prendre une heure pour le mettre en place, dans cet endroit si peu accessible. J’essaie de l’aider comme je peux mais il s’agit en fait d’un jeu de précision et de chance. Enfin, noir de cambouis et transpirant, il arrive à terminer la réparation. Heureusement tout de même que ceci nous est arrivé à quelques kilomètres d’un village, car ce jour là, nous avons fait parfois de grandes distances sans voir un village ou même une âme qui vive. Redémarrage en douceur, mais tout semble fonctionner normalement. Nous stoppons une centaine de kilomètres plus loin dans une petite ville, nœud routier, afin de déjeuner puis reprenons la route jusqu’à notre arrivée à Kerman, vers 17h00.

De Kerman, j’avais entendu parler la première fois lorsque j’avais consulté le site internet du ministère des affaires étrangères, sur leur page « conseil au voyageurs » ; il était indiqué qu’il ne valait mieux pas si rendre, s’il on était pas accompagné dans le cadre d’une agence iranienne, comme Bam d’ailleurs, que je visiterai le lendemain. Il faut dire que cette ville se trouve effectivement proche de deux à trois cent kilomètres de la frontière Afghane et qu’il s’agit d’une zone de trafic de drogue. Bon, il ne faut rien exagérer du tout : de ma perception, Kerman est presque la ville la plus ouverte et la plus agréable que j’ai visité en Iran ; à aucun moment, en m’y promenant seul, je n’ai ressenti quelque chose de particulier et de désagréable. Il est vrai que l’on est proche aussi de la frontière du Baluchestan, qui est une des provinces les moins recommandables de l’Iran, où il est préférable de ne pas se rendre, de part la proximité du Pakistan et de l’Afghanistan. Il existe effectivement dans la partie est de l’Iran des zones non recommandées aux touristes lambda, ou l’accueil semble être plutôt tendu.

Donc, arrivé à Kerman, Medhi stationne au centre et me fait découvrir le bazar, qui s’avère être un des plus intéressants du voyage, tant pour son étendue que pour son choix. Nous visitons aussi les bains, au milieu du bazar, très vastes et très bien restaurés. Toujours dans le bazar, nous allons prendre un thé dans la maison du thé, restaurant aménagé dans un bâtiment ancien, avec colonnettes, mosaïques et vasques d’eau. L’endroit est très touristique, puisque de nombreux groupes s’y retrouvent, mais fort agréable.

Le bazar de Kerman

Nous terminons notre visite par la mosquée du vendredi, du 14ème siècle, avec sa belle décoration en faïence. Il est l’heure de rejoindre l’hôtel, je n’ai d’ailleurs pas trop compris pourquoi nous n’y sommes pas allé tout de suite. Il était prévu que j’ailles à l’hôtel Akhavan, visiblement très utilisé par les touristes dans cette ville. Mais Medhi me dépose dans un autre hôtel, juste en face. Les bâtiments sont assez identiques, bâtisse moderne et sans charme, mais mon hôtel semble cependant beaucoup plus vieillot. C’est l’hôtel « Naz », et c’est vrai qu’il est un peu nase… Confort trois étoiles locales mais tout juste ; certes, il y a une salle de bain, une TV (même si cela m’importe peu) mais tout ceci est très rustique, fatigué et sinistre. Medhi m’explique que c’est le même patron que l’Akhavan, ce dont je doute, que l’Akhavan est complet, ce que je crois. Lui même ne pourra pas dormir ici. Il y a un problème d’hôtellerie à Kerman ; Medhi raconte que l’année dernière, il y avait eu plusieurs fois beaucoup plus de visiteurs que de chambres disponibles et qu’on avait dû faire dormir des groupes de Japonais complets sous des tentes. Le problème sera bientôt résolu puisqu’il se construit un grand hôtel international à l’entrée de la ville, en cours de finition. Bon, je préciserai tout de même gentiment à Medhi mon impression sur cet hôtel qui n’est pas à la hauteur de la prestation.

Le soir étant tombé, je repars vers le centre tout proche, à la recherche d’un restaurant. Comme à Shiraz, beaucoup d’activité, de circulation dans les rues et le long des grandes artères. Je peine à trouver quelque chose qui me plaise et termine dans une petite gargote, avec quelques beignets frits et un zam zam. Je rentre tranquillement à l’hôtel, observant et profitant de toute l’effervescence de la population iranienne.

 

Mercredi 11 avril 2001 : citadelle de Bam et visite de Kerman.

26 décembre 2003 : un tremblement de terre d'une magnitude de 6,2 sur l'échelle de Richter a détruit presque totalement la ville de Bam. On parle de 35.000 morts, une terrible tragédie humaine dont on a bien du mal à imaginer l'ampleur, derrière la lucarne de la télévision. Et puis, cette magnifique citadelle, ce bijou de l'architecture mondiale, un de mes plus beaux souvenirs d'Iran, qui s'est écroulée. Rayée de la carte. Quelle tristesse...

Réveil en catastrophe à 7h45 pour un départ à 8h00 pour Bam. Petit déjeuner très rapide dans la grande salle de restaurant (sinistre). Le ciel est limpide et Medhi m’attend. Nous partons vers 8h30 pour un voyage de 200 km vers le sud, pour atteindre la ville de Bam. Voyage plaisant car les paysages de montagnes et de déserts sont magnifiques, avec la luminosité matinale. La route est d’excellente qualité, et le compteur frise parfois les 150 km/h, ce qui n’est tout de même que moyennement prudent. Nous doublons beaucoup de camions et quelques bus touristiques ; c’est bien, j’arriverai avant eux ! Sur cette route, tout de même, présence de la police, qui fouille les camions d’une manière assez serrée. Medhi doit montrer des autorisations mais cela se passe sans problème.

La citadelle de Bam

Nous arrivons à Bam vers 10h15, et Medhi me dépose au pied de la citadelle. On voit d’abord une grande muraille de terre. Après la porte d’entrée et le guichet, on entre dans la citadelle et il faut reconnaître que c’est une superbe surprise. On découvre une véritable ville abandonnée, entourée par cette une grande muraille, le tout construit de brique de terre beige. A l’opposé, un éperon rocheux sur lequel sont construits les bâtiments les plus officiels. 
Je suis presque encore seul sur le lieu et pars donc rapidement à l’assaut des multiples petites ruelles, ne me privant pas de grimper sur les endroits les plus élevés, pour bénéficier de toutes les vues sur le site et la campagne environnante, avec le grand oasis où est installé le village moderne, et le désert immédiatement après. Bam est vraiment une de mes plus belles surprises et visites.
Cette ville fut définitivement abandonnée à la fin du 18ème siècle, lorsque sa population fut massacrée au cours d’une invasion. Je regretterai seulement l’effort louable d’une restauration parfois trop voyante des bâtiments. Une ruine perd beaucoup de son charme et de son intérêt lorsqu’elle est trop remaniée.

J’ai aussi commis une petite erreur, c’est de ne pas avoir dormi une nuit à Bam, ce qui aurait été possible, de façon à profiter du site à la lumière du soir et du petit matin, qui doit donner encore une autre dimension et un autre relief à cet endroit véritablement exceptionnel. D’un autre côté, j’ai bien apprécié mes deux soirées à Kerman, la douce… Avant de quitter Bam, nous déjeunons dans un petit restaurant de succulents sandwichs.

Retour à Kerman, par la même route. La lumière est maintenant intense et une nuée rend la luminosité beaucoup moins intéressante que le matin. Nous stoppons à quarante km avant Kerman dans une petite ville nommée Maham. Nous nous rendons d’abord dans un lieu assez particulier, sorte de grand jardin en terrasses, avec une succession de bassins en enfilade et l’eau qui descend de niveau en niveau. Le tout dans un cadre de pins, avec comme décor, les grandes montagnes enneigées environnantes ; l’endroit est charmant ; ici aussi, l’Iran me renvoie une image que je n’attendais pas du tout. Dans le bâtiment qui se trouve en haut, un restaurant où nous allons prendre le thé, sur la terrasse. Nous restons ici un long moment, savourant le calme et la beauté du paysage, et discutant de toutes sortes de choses.

Le mausolée de Maham

Nous stoppons ensuite pour visiter un mausolée réputé, datant du 15ème siècle. Sept portes en enfilade séparent jardins  et pièces décorées. Le gardien, pour un petit billet, me laisse monter dans le minaret. Un tout petit escalier en colimaçon pour y pénétrer. De mon minaret, j’ai encore une fois une magnifique vue sur le paysage environnant. La lumière redevient belle à cette heure. Pas d’étrangers ; les groupes passent ici plutôt le matin, j’en suis fort aise !

Retour définitif à Kerman vers 17h00. Je donne rendez vous à Medhi pour le lendemain. De l’hôtel, je file vers le centre et le bazar. Je m’arrête de nouveau, cette fois-ci seul, à la maison du thé et il se passe peu de temps avant que deux jeunes iraniens, visiblement  assez aisés (téléphone portable), n’entament la conversation en bon anglais avec moi. Conversation qui prend, après les banalités d’usage (d’où es tu ? qu’à tu vu ?…), rapidement un tour politique. Je reste bien sûr très « soft » sur mon discours (méfiance tout de même), mais suis vraiment surpris par leur liberté d’expression et de critique du régime iranien. 

Ce ton, je le retrouverai dans toutes mes conversations ultérieures, ce qui indique bien qu’il y a une réelle volonté de changement dans ce pays. Je doute, de ce que j’ai pu lire dans les nombreux articles traitant de l’Iran, sous les feux de l’actualité en ce mois de juin 2001 (date de rédaction de mon carnet), avec l’élection présidentielle, que ce type de conversation put avoir lieu il y a seulement trois ou quatre ans. Ces jeunes gens évoquent la situation économique difficile (ils semblent pourtant aisés), le manque de liberté politique, le souhait de quitter le pays, etc… De retour vers l’hôtel, je me fait cette fois ci accoster par…deux jeunes filles en tchador. J’avoue là, ne pas trop savoir quel comportement prendre. Nous discutons en marchant, elles me posent beaucoup de questions, et arrivent vite à me demander mon adresse, mon téléphone, mon mail ! 

Le manège est assez amusant, car je remarque tout de même que dans la rue, les hommes nous regardent d’une manière assez pressante. Un homme en moto crie quelque chose, que je soupçonne ne pas être très plaisant, et finalement, je constate même un début d’attroupement lorsque nous griffonnons nos coordonnées sur le papier. Bon, il n’est peut être pas très prudent d’insister, je salue très poliment ces jeunes filles et change rapidement de trottoir ; je les sentais assez tendues aussi, j’imagine qu’elles ont pris un « petit » risque ; parler dans la rue à un homme, un étranger de surcroît…

Passage par un centre de téléphone pour appeler Sibylle et donner quelques nouvelles fraîches. Quelques secondes suffisent pour obtenir la communication avec la France. Retour pour un léger repos à l’hôtel. Vers 20h00, je repars vers le centre et me trouve une petite pizzeria tout à fait correcte, aménagée comme un fast food occidental. La pizza est si bonne que j’en félicite le cuistot. Pour 5000 rials… retour tranquille et attentif (à l’activité…et à la circulation !) vers l’hôtel et dodo.

 

Jeudi 12 avril 2001 : Yadz.

Lever à 8h00, petit déjeuner et départ à 9h00. Je quitte sans trop de regret mon hôtel fatigué. Nous avons deux cent kilomètres à faire ce matin pour rejoindre Yadz, dans le désert, sur une route largement empruntée par des camions, ce qui rend la circulation toujours dangereuse car tout le monde va vite. Sur la route, tous les 20 km, nous pouvons voir un caravansérail. La majorité est bien sûr abandonnée, cela fait déjà bien longtemps que les caravanes de chameaux ont été remplacées par les camions. La distance entre deux correspond à ce que pouvait parcourir un chameau en une journée, ou plutôt une nuit, d’après ce que me dit Medhi. Il faisait plus frais pour ce déplacer. Certains de ces caravansérails sont encore en bon état et je m’arrête pour en visiter.

Nous arrivons à Yadz vers 13h00 et nous installons à l’hôtel Nabavi. Chambre propre et moderne, avec la tapisserie, le mobilier et la moquette dans toutes les nuances du vert, couleur de l’islam. Medhi, qui occupe la chambre à côté de la mienne va faire quelques courses et me ramène quelques grignotteries, toujours très prévenant ! Puis, il retourne dans sa chambre jouer de la flûte, une flûte spécifique, instrument traditionnel iranien, extrêmement difficile à jouer. Il m’a fait une petite démonstration, je trouvais qu’il avait du mal à fixer les notes. J’ai essayé également, ayant moi-même quelques capacités au pipeau (!), et il me fut strictement impossible d’en sortir la moindre note.

Je profite du repos de Medhi pour aller faire un tour, nous nous  étant donné rendez vous à 16h30. Il y a vraiment que très peu de monde dans les rues, les magasins sont fermés. Je vais en fait faire le tour du quartier, jusqu’à la grande porte du bazar, au centre. Le ciel est plombé et je trouve cette ville un peu triste au premier abord. Je stoppe dans une sorte de salon de thé, moderne, où l’on vend des glaces et des jus de fruits frais alléchants.

La porte du bazar de Yadz

Retour à l’hôtel pour quelques minutes de repos. A 16h30, Medhi me rejoint et nous partons pour une visite de la ville.

Le temple zoroastrien

Le soleil est réapparu et l’activité bruisse de nouveau dans les rues, cela change immédiatement la physionomie de la ville. Nous nous rendons d’abord au temple zoroastrien. Petite parenthèse sur la communauté zoroastrienne : Il s’agit d’une population pratiquant une religion particulière, émanant des croyances anciennes et réformées par Zarathoustra (je ne rentre pas plus dans le détail car c’est assez compliqué…).

Bref, bien que, au fil du temps, ils aient conservé une liberté de culte, la communauté originaire d’Iran,  qui n’eu pas toujours la vie facile avec les musulmans, éclata, et une partie s’installa en Inde. On les connaît là-bas sous le nom de Parsis, et j’ai effectivement fait connaissance avec eux en 92, lors de mon séjour à Bombay. Une famille connue est la famille Tata, qui est propriétaire de nombreuses industries en Inde (camions, voitures,…). En Iran, la majorité des Zoroastriens sont installés dans la région de Yadz, et ils seraient 10.000 dans cette ville. Une de leur pratique est leur ancienne tradition pour leurs morts, j’y reviendrai. Donc, dans le temple zoroastrien, bâtiment moderne assez quelconque, brûle une flamme éternelle. On dit que cela fait 1500 ans (on a pas vérifié).

Je propose, à la sortie du temple à Medhi de se rendre alors dans un village, indiqué à 9 km de yadz, où se trouve une des plus anciennes mosquées d’Iran. Je comprends bien que Medhi ne souhaite pas ressortir la voiture et lui propose donc d’y aller en taxi. Nous arrêtons donc une vieille paykan, avec un chauffeur hilare, qui nous emmène à Fahraj. En fait, ce village se trouve à au moins 30 km de Yadz mais nous y serons assez rapidement vu que notre chauffeur à le pied à fond sur le champignon. Détail amusant, il faut lui demander la poignée de la fenêtre pour l’ouvrir ! Le temps se couvre de nouveau assez brusquement et l’orage gronde au loin. Le petit village de Fahraj est un endroit évidemment assez peu touristique et me donnera une excellente idée de ce qu’est une petite bourgade campagnarde iranienne.

La mosquée de Fahraj

On me regarde dans les petites ruelles avec un peu d’étonnement mais j’échange avec les papis des « salam » très respectueux. L’habitat n’est pas bien riche, beaucoup de maisons sont en terre ou en torchis. Quelques bâtiments en béton. Je visite évidemment la mosquée ; celle-ci est effectivement ancienne puisqu’elle date du 9ème siècle. Le bâtiment est en terre et ne comporte aucune décoration.
Il y a également dans ce village une sorte de petite citadelle, mais malheureusement très éboulée et non visitable. Retour vers Yadz par des petites routes de campagne, au milieu des plantations et des fermes. A yadz, le taxi nous dépose près du grand portail du bazar, que j’avais déjà vu le midi-même. Cette fois-ci, nous l’escaladons par des petits escaliers et je découvre de la terrasse supérieure la beauté de la ville de Yadz, avec la lumière du soleil rasante.

La ville où nous nous trouvons est constituée de maisons, aux couleurs de terre, avec cette particularité d’être couvertes par des tours du vents : il s’agit d’une sorte de grosses cheminées, qui servent, par les courants d’air provoqués, à rafraîchir l’intérieur. En fait, les maisons sont légèrement enfouies dans le sol, et d’une manière générale, refermées sur elles-même. La vieille ville est très étendue, et bien sûr, dominant les maisons, quelques mosquées.

Nous redescendons dans le rue et nous dirigeons vers la mosquée du vendredi, du 14ème siècle, dont le portail surmonté de deux minarets est très étroit. Puis visite du bazar. Nous avions décidé de dîner ensemble, avec Medhi. Il m’amène donc dans une maison du thé qui fait restaurant. Je retrouve une salle un peu équivalente à celle de Kerman, très bien restaurée et aménagée.

Vue du centre de Yadz

L’endroit est agréable, et très touristique, puisque plusieurs petits groupes d’étrangers y dînent également. Je choisirai un plat, spécialité d’Azerbaïdjan, avec, en entrée, un buffet de crudités et salades variées. L’addition est un peu salée, 65.000 rials pour les deux. Nous rendrons dans la nuit vers l’hôtel en empruntant les petites ruelles de la vieille ville.

Caravanserail

Pour la suite, cliquez sur l'image...